Cet article est rédigé par :
Jenny Martos, Julie Joly
Article d’origine : https://www.carbonbrief.org/guest-post-plans-for-new-oil-and-gas-power-plants-have-grown-by-13-in-2023/
Publié le 20.09.2023 à 15:44
Article invité : Les projets de nouvelles centrales électriques au gaz et au pétrole ont augmenté de 13 % en 2023
La crise énergétique mondiale, provoquée par la flambée des prix du gaz, a considérablement réduit les perspectives de croissance des combustibles fossiles.
En conséquence, "l'âge d'or du gaz" prédit par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) en 2011 "touche à sa fin", déclare le Dr Fatih Birol, directeur de l'Agence, qui estime que le gaz devrait atteindre son maximum d'ici à 2030.
Les pays du monde entier se détournent du gaz, car les prix élevés et volatils rendent ce combustible fossile moins rentable, tandis que les coûts des solutions de remplacement diminuent.
Pourtant, les projets de nouvelles centrales électriques au gaz et au pétrole ont augmenté de 13 % l'année dernière, en particulier en Chine et en Asie du Sud-Est, selon le nouveau rapport du Global Energy Monitor (GEM).
Notre suivi montre qu'il y a actuellement 783 gigawatts (GW) de capacité de production d'électricité à partir de pétrole et de gaz en cours de développement - des projets qui sont soit annoncés, soit en phase de pré-construction ou de construction. Ces projets représentent un risque de centaines de milliards de dollars et peuvent entraîner des dizaines de milliards de tonnes d'émissions de dioxyde de carbone (CO2).
L'écrasante majorité de cette capacité est constituée de centrales au gaz, avec seulement 7,5 GW de centrales exclusivement au pétrole en cours de développement.
Si ces nouvelles centrales à combustibles fossiles sont achevées et deviennent opérationnelles, elles pourraient détourner les ressources d'alternatives plus rentables et moins émettrices de carbone.
Un développement généralisé à l'échelle mondiale
Au cours de l'année qui s'achève en juillet 2023, la capacité des centrales électriques au pétrole et au gaz en cours de développement dans le monde a augmenté de 90 GW (13 %), pour atteindre un total de 783 GW, selon les derniers chiffres du Global Oil and Gas Plant Tracker (GOGPT) de GEM.
(Les projets "en cours de développement" sont ceux qui ont été annoncés ou qui sont en phase de pré-construction et de construction, mais qui ne sont pas encore opérationnels).
S'ils sont tous construits, ces projets augmenteraient d'un tiers la capacité du parc mondial de centrales pétrolières et gazières, pour un coût estimé à 611 milliards de dollars en dépenses d'investissement, selon notre analyse.
Nous avons également constaté que ces centrales émettraient plus de dioxyde de carbone (CO2) au cours de leur durée de vie que les États-Unis n'en produisent en six ans et demi - environ 41 milliards de tonnes d'équivalent CO2 - si elles étaient exploitées conformément aux moyennes historiques.
À ce jour, seul un quart des 783 GW de capacité en cours de développement est déjà construit (en marron foncé dans le graphique ci-dessous), le reste étant en phase de pré-construction (marron clair) ou de développement précoce ("annoncé", en orange).
Comme le montre le graphique, les 10 premiers pays pour les nouvelles capacités de production d'électricité à partir de gaz et de pétrole sont répartis sur quatre continents différents : Asie, Amérique du Nord, Amérique du Sud et Afrique.
Toutes les régions du monde disposent d'importantes quantités de nouvelles centrales au pétrole et au gaz en cours de développement, comme le montre le graphique ci-dessous. Cependant, la plus grande concentration se trouve en Asie, qui abrite 514 GW, soit environ deux tiers du total mondial.
L'Asie mène l'expansion du gaz
Selon notre analyse, environ deux tiers des capacités mondiales de production d'électricité à partir de gaz et de pétrole en cours de développement se trouvent en Asie.
Les pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est mettent en œuvre des plans pour commencer à importer du gaz naturel liquéfié (GNL) ou pour accroître leur production nationale, tandis que l'Asie occidentale (qui comprend de nombreux pays du Moyen-Orient) poursuit dans sa longue dépendance à la production d'électricité à partir de gaz pour répondre à ses besoins énergétiques.
(Le GEM fait référence au géoschéma des Nations unies pour l'Asie occidentale, qui comprend : l'Arménie, l'Azerbaïdjan, le Bahreïn, Chypre, la Géorgie, l’Irak, Israël, la Jordanie, le Koweït, le Liban, Oman, la Palestine, le Qatar, l’Arabie saoudite, la Syrie, la Turquie, les Émirats arabes unis et le Yémen).
Au niveau mondial, la Chine est en tête du développement de nouvelles capacités de production d'électricité à partir de gaz, avec 21 % du total mondial en cours de développement et la plus forte augmentation par rapport à l'année dernière.
La répartition des centrales électriques au pétrole (noir), à double combustible (orange) et au gaz (jaune) en Asie est illustrée sur la carte ci-dessous. Les sites en exploitation sont représentés par un cercle fermé, ceux qui sont en construction sont en pointillés et ceux qui sont à des stades de développement plus précoces sont ouverts.
Emplacement des projets de centrales électriques au pétrole (noir), à double combustible (orange) et au gaz (jaune) au Moyen-Orient et en Asie. La taille de chaque cercle est proportionnelle à la capacité du projet. Le contour de chaque site indique s'il est déjà en exploitation (ligne continue), en construction (pointillés) ou à un stade de développement antérieur (ouvert). Source : GEM.
Risques liés à la transition
Notre analyse montre que les principaux moteurs de l'augmentation de la capacité de production d'électricité à partir du gaz sont la sécurité énergétique, l'augmentation de la demande d'énergie et l'idée que le gaz est un combustible "de transition". Ce dernier point est de plus en plus contestée, de plus les arguments concernant la stabilité des réseaux électriques semblent s'estompés.
Pourtant, la volatilité des prix du gaz a poussé des pays comme le Pakistan et le Bangladesh à ne plus dépendre des importations de GNL, et l'offre de ce combustible devrait rester limitée pendant encore plusieurs années, selon l'AIE.
Dans le même temps, la fragilité du système des combustibles fossiles face aux phénomènes météorologiques extrêmes a été mise en évidence cette année.
Au Moyen-Orient, par exemple, les turbines à gaz ont cédé sous l'effet de la hausse des températures, tandis que les vents arctiques dans certaines régions des États-Unis ont provoqué des pannes d'électricité, les centrales au charbon et au gaz étant tombées en panne.
D'après nos derniers chiffres, près de 98 GW de conversion ou de remplacement du charbon par le gaz sont en cours de développement dans le monde, dont plus de 60 % en Asie.
Et ce, malgré le fait que passer directement du charbon à une électricité bas-carbone serait, dans de nombreux cas, moins coûteux que de passer au gaz. " L'indice des prix de la transition du charbon à du bas-carbone" de TransitionZero montre que l'énergie solaire ou éolienne avec stockage est moins chère que l'électricité au gaz en Chine, par exemple.
En général, l'expansion des capacités de production d'électricité à partir de pétrole et de gaz crée un risque d'actifs échoués potentiellement coûteux, car les nouvelles infrastructures peuvent finir par constituer un passif avant la fin de leur durée de vie économique prévue, selon l'analyse de GEM.
En effet, de nombreuses centrales au gaz et au pétrole devraient fonctionner pendant un nombre d'heures limité ou être mises hors service avant d'avoir atteint leur durée de vie totale, si l'on veut atteindre les objectifs climatiques mondiaux.
En outre, l'expansion de la production d'électricité à partir de pétrole et de gaz pourrait détourner les ressources de la transition bas-carbone. Selon l'AIE, les énergies renouvelables doivent tripler d'ici à 2030 pour que le monde reste sur la voie d'un réchauffement de 1,5 °C d'ici à 2030.
Au cours de l'année écoulée, les énergies renouvelables sont devenues encore plus compétitives en termes de coûts, malgré les pressions inflationnistes, car les coûts du gaz ont augmenté encore plus rapidement.